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EN CANOT DE PAPIER.

flots me donna le vertige ; aussi, pour prévenir toute erreur de mon esprit, je tins constamment les yeux attachés sur mes avirons, qui, c’est étrange à dire, ne me firent pas faire un seul faux mouvement. Un coup de vent violent ayant abattu la mer pour un moment, je regardai par-dessus mon épaule et derrière les dunes basses et sablonneuses de la côte sud de la passe voisine. Mon canot, après une énorme secousse, prit terre au loin sur l’estran. Je sautai à terre et je tirai ma précieuse petite embarcation hors de l’atteinte de la marée ; ensuite, je fis une prière d’action de grâces pour avoir échappé au danger, en y ajoutant mentalement des vœux pour qu’à l’avenir je pusse faire traverser à mon canot les passes traîtresses sur un sloop de pêcheurs. J’allai camper dans un creux de la côte où les falaises de sable me protégèrent contre la fraîcheur de la brise. Toute l’après-midi, je surveillai, de mon terrier, les éléments qui faisaient rage, et, vers le soir, je fus heureux de constater un apaisement général de la mer et du vent. Alors le canot fut encore remis à l’eau, et il avait franchi un ou deux milles au sud lorsque le jour, court dans cette saison, venant à baisser, je restai près d’une île marécageuse bordée par un banc d’huîtres à coquilles aiguës. Sautant par-dessus le bord dans l’eau et dans la vase, je mis les rames et la pagaie sur le banc d’huîtres, afin de protéger le canot, que je tirai ensuite par le marais. À mesure que le vent baissait, le froid augmentait. Le marais était humide, et je n’y pus pas trouver de bois sec pour faire du feu. J’enlevai la toile qui figurait le pont, et j’empilai mes bagages sur une plate-forme con-