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EN CANOT DE PAPIER.

voir comme plafond le ciel parsemé d’étoiles et me préservait très-suffisamment de la grande brise qui soufflait. Il était encore de bonne heure quand j’eus achevé ces préparatifs ; aussi eus-je le temps de descendre jusqu’à la source, à un mille de distance, et d’y compléter ma petite provision d’eau.

Grâce à la toile qui figurait le pont, et aux couvertures en caoutchouc que j’avais disposées pour me préserver contre l’abondance de la rosée, la première nuit passée dans ce si petit logis pouvait à la rigueur se supporter. Le brouillard du fleuve n’était pas encore dissipé, à neuf heures du matin, lorsque, reprenant mes avirons, je descendis vers la baie, qui semblait s’élargir à mesure que j’avançais. Elle était toujours bordée de grands marais d’où émergeaient çà et là, sur de petites hauteurs, quelques habitations clair-semées. Après avoir fait trente-six milles, et me trouvant au confluent du ruisseau Murder-Kill[1], une rafale assaillit le canot et le poussa vers un banc d’huîtres, sur des coquilles coupantes où il fut bercé pendant quelques minutes par les brisants. Craignant que sa coque de papier n’eût reçu de graves blessures, je remontai le ruisseau, dont le nom rappelait des souvenirs fort peu engageants, jusqu’à l’auberge de Jacob Lavey, où je me proposais de reconnaître les avaries de mon embarcation. À ma grande surprise, et à ma satisfaction plus grande encore, je ne trouvai que quelques égratignures superficielles sur la coque en papier. Appliquer de la colle, à l’aide

  1. Le ruisseau du meurtre.