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chapitre sixième

En me rapprochant de la grande ville de New-York, de fortes rafales de vent, soufflant en sens inverse du jusant, envoyaient l’écume des vagues dans mon canot, dont les flancs ne s’élevaient pas à plus de cinq à six pouces au-dessus de l’eau ; mais la grande légèreté et le poli de la coque, en ne créant que très-peu de frottement, rendaient le canot capable de naviguer, pourvu qu’il fût bien observé et bien gouverné, même sans aucune espèce de pont de toile ou de bois. Tandis qu’il faisait ainsi tête aux vagues, la brise imprégnée de la salaison de la mer me frappait par derrière. J’avoue que l’idée d’atteindre Philadelphie, où je pourrais compléter mon équipage et augmenter la sécurité de ma petite embarcation, renouvelait la vigueur de mes coups de rame, lorsque j’échangeai l’atmosphère tranquille de la campagne pour le bruit et la fumée de la ville.

Tous mes instincts étaient excités, tous mes muscles étaient mis en action lorsque j’esquivais les remorqueurs, les bateaux à vapeur, les yachts et les navires en longeant les quais si encombrés de New-York et Jersey City de l’autre côté du fleuve. Je trouvais que les cales des jetées m’offraient le meilleur des ports de refuge lorsque les bacs, se succédant presque sans interruption, agitaient le fleuve et le faisaient bouillonner comme un tourbillon. Toutefois, cela ne dura pas longtemps, et je quittai l’Hudson à Castle-Garden pour entrer dans la baie supérieure du port de New-York. Il était tard, j’aurais été heureux d’aller passer la nuit à terre ; mais une grande ville n’offre pas d’attraits et n’invite pas un canotier à débarquer comme un étranger sur ses quais.