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VIE ET ŒUVRE

premières années il crée une œuvre incomparable : Guerre et Paix.

À quel moment de son équilibre moral correspond donc cette œuvre ?

L’arbitrage territorial, l’école, l’exploitation, tout cela rapprochait L. N. Tolstoï du peuple. Il entrait en contact avec lui, de mille manières, étudiait ses mœurs, et, avec un attendrissement particulier, en pénétrait l’âme. Il n’existe pas d’écrivain qui avec tant de force d’analyse et de synthèse artistiques ait créé le type de l’âme russe populaire dans toute sa variété, et dans toute sa grande unité.

C’est cette étude de l’âme du peuple, le désir inextinguible de le peindre, qui, selon nous, constituent une partie de cette force qui créa Guerre et Paix.

Mais au-dessus de ce peuple, auquel aspirait toujours l’âme de Tolstoï, se trouvait une classe, la classe supérieure, dominante, privilégiée, à laquelle appartenait l’auteur lui-même, à laquelle il était lié par plusieurs générations. Il la connaissait et l’aimait comme son propre élément, comme on aime la famille, la maison, le sol natal, et son âme était aussi attirée par la peinture de cette classe des Russes. Il cherchait un phénomène de la vie russe dans lequel se manifestassent les traits les plus caractérisques de l’une et l’autre classes.

Il le trouva dans la guerre de Napoléon.

À l’intérêt des traits caractéristiques de la société russe et du peuple russe, se joignait encore l’intérêt historique, et ce travail absorba toutes ses forces créatrices.

La vie du peuple est représentée par Tolstoï