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VIE ET ŒUVRE

Un certain Navalitkhine, dans la revue Dielo (1888, no 6), sous le titre sarcastique : « Le romancier élégant et ses critiques élégants, » écrit à propos de Guerre et Paix :

« Le roman présente une série de scènes révoltantes et malpropres dont l’auteur ne comprend évidemment ni le sens ni l’importance, et qui, par cela, font l’effet d’une série de notes fausses. Il est tellement attendri devant ses héros que chacun de leurs actes, chacune de leurs paroles lui paraissent intéressants.

« Du commencement à la fin sont glorifiées les orgies, la grossièreté, la stupidité. Quand on lit les scènes militaires, on s’imagine entendre un sous-officier borné et bavard racontant ses impressions dans un village perdu et naïf…[1]. »

De tels articles ont sans doute une importance plutôt psychologique que critique.

À propos de semblables critiques, N. N. Strakov a écrit : « Nos critiques ne désirent nullement agir et penser. Ils sont mécontents quand de nouvelles œuvres les tirent de leur torpeur. Tel fut l’effet produit par l’apparition de Guerre et Paix. Pour plusieurs qui s’occupent avec plaisir à la lecture des derniers numéros des revues contenant leurs propres articles, il était bien désagréable d’apprendre l’existence d’un autre domaine, auquel ils ne pensaient pas et ne voulaient penser, et dans lequel cependant paraissaient des œuvres imposantes de grandeur et de beauté. À chacun est précieux sa tranquillité, l’assurance de sa propre intelligence,

  1. Zélinski, Littérature critique sur Tolstoï, t. v, pp. 208-211.