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LÉON TOLSTOÏ

lui en voulait de n’avoir pas marié Rostov à Sonia ; ou de la façon dont Rostov s’était déclaré à la princesse Marie. Dans la passion avec laquelle ces critiques tombent sur l’auteur de Guerre et Paix, je vois pour lui sa suprême louange. Citons encore quelques extraits de la critique défavorable qui caractérisent le courant des opinions d’une certaine partie de la société d’alors.

A. P. Piatkovski, dans la Revue Niedela, sans attendre la fin de Guerre et Paix, déclare le roman trop long et ennuyeux et termine ainsi son article :

« Sans saisir le trait caractéristique de l’époque d’Alexandre, sans pouvoir apprécier l’importance des personnages historiques principaux, le comte Tolstoï n’a pu condenser son roman et s’est noyé dans des détails sans aucun lien. Il s’est mis à décrire les batailles, les commérages de Moscou, les intrigues de salon et les aventures amoureuses. L’année 1812 occupe déjà un volume entier et le lecteur ne voit pas encore de quoi il s’agit. Il n’y a qu’une seule scène, mise là par hasard, qui jette quelque lumière sur l’histoire de la guerre populaire. Tout le reste est dans le style d’un rapport : Koutouzov, Bagration, la redoute de Schévardine, etc. Grâce à l’absence de plan et de toute conception logique entre les événements racontés, on peut écrire le roman non pas en 4 volumes seulement, mais en 24 volumes. Seulement le lecteur aura-t-il la patience d’attendre la fin ? Du reste, le comte Tolstoï paraît avoir l’intention de ne pas se gêner. On dit qu’il écrit le ve volume, et que ce n’est pas encore la fin[1]. »

  1. Zélinski, Littérature critique sur Tolstoï, tome v, pp. 196-198.