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VIE ET ŒUVRE

écrits. Ce m’est toujours très utile, et, sauf vous, je n’ai personne. »

Mais à mesure qu’apparaissent les parties suivantes du roman, le lecteur est de plus en plus captivé, et l’opinion des amis change. Tourgueniev écrit à Fet le 12 avril 1869 :

« Je viens de terminer le quatrième volume de Guerre et Paix. Il y a des choses insupportables et des choses étonnantes, et ce sont celles-ci qui dominent et qui sont si admirables que jamais personne chez nous n’a rien écrit de meilleur, et je doute qu’il ait été jamais écrit quelque chose d’aussi bien. Les volumes i et iv sont plus faibles que le deuxième et surtout le troisième. Le troisième volume est presque entièrement un chef-d’œuvre. »

Et Botkine écrit au même le 29 mars 1868 :

« Le succès du roman de Tolstoï est, en effet, extraordinaire. Tous le lisent, et non seulement le lisent, mais en sont tout bonnement enthousiastes. J’en suis heureux pour Tolstoï. Mais des gens de lettres et des militaires le critiquent. Ces derniers disent, par exemple, que la bataille de Borodino est très mal décrite ; que le plan donné par Tolstoï est arbitraire et n’est en rien conforme à la réalité. Les premiers trouvent que l’élément contemplatif du roman est très faible, que la philosophie de l’histoire est faible et superficielle, que la négation de l’influence prépondérante de la personne dans les événements n’est qu’un raisonnement mystique. Mais on dit aussi que le talent artistique de l’auteur est hors de discussion. Hier, il y avait chez moi un dîner où se trouvait Tutchev, et c’est l’opinion de toute la compagnie que je vous communique. »