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VIE ET ŒUVRE

de pouvoir faire une grande œuvre : écrire l’histoire psychologique, le roman d’Alexandre et de Napoléon. Toute la lâcheté, tout le verbiage, toute la folie, toute la contradiction des hommes qui les entouraient et d’eux-mêmes. Napoléon s’empêtre et est prêt à renoncer au 18 brumaire devant l’assemblée. « De nos jours les peuples sont trop éclairés pour produire quelque chose de grand. » Alexandre de Macédoine s’appelle le fils de Jupiter, et on le croit. L’expédition des Français en Égypte n’est qu’un crime de la vanité. Le mensonge de tous les bulletins est conscient. Le traité de Presbourg est escamoté. Sur le pont d’Arcole, il tombe dans la mare. Il était mauvais cavalier. Pendant les campagnes d’Italie, il emporte les tableaux et les statues. Il aime parader sur le champ de bataille. Les cadavres et les blessés font sa joie. Le mariage avec Joséphine est un succès mondain. Trois fois il corrigea la relation de la bataille de Rivoli, et toujours en mentant. Au commencement c’était encore un homme fort par son unilatéralité, puis il devint fataliste — ce doit être ! Mais comment ? Vous êtes des gens ordinaires, vous autres, moi je vois mon étoile dans les cieux. Il n’est pas intéressant. Ce sont les foules qui l’entourent qui sont intéressantes, et sur lesquelles il agit. D’abord l’unilatéralité et le feu sacré, en comparaison des Murat et des Barras. Ensuite les tâtonnements — la vanité, les succès ; ensuite la folie — faire entrer dans son lit la fille des Césars. À Sainte-Hélène, c’est la folie complète, le ramollissement, la nullité. La grandeur n’est que parce que l’espace est grand ; avec l’espace étroit