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LÉON TOLSTOÏ

Et le 3 décembre :

« Vous avez très bien décrit le jour de fête. Et quel remue-ménage pendant l’opération. En lisant je me suis crue parmi vous. Maintenant mon nid de Iasnaia-Poliana m’est plus agréable. On trouve le nid qu’on se fait soi-même meilleur que celui que l’on a quitté. »

Parfois, une note mélancolique perce dans ses lettres. Ainsi, dans sa lettre du 7 décembre, la comtesse écrit :

« … La musique, que je n’avais pas entendue depuis si longtemps, m’a tirée d’un coup de mon élément : la chambre d’enfants, les langes, les enfants, que depuis longtemps je n’avais quittés d’un pas, et m’a transportée quelque part, loin, où tout est différent. J’ai eu même peur.

« Depuis longtemps j’ai étouffé en moi toutes ces cordes qui souffraient, et que réveillaient la musique, la nature, et tout ce que tu n’as pas vu en moi, et qui parfois te dépitait. En ce moment, je sens tout, je souffre et cela me fait du bien. Non, pour nous, mères et ménagères, mieux vaut n’avoir pas tout cela…

« J’ai examiné ton cabinet et je me suis rappelé tout : comment tu t’habillais près de l’armoire de chasse, comment Dora se réjouissait et gambadait autour de toi ; comment, assis à la table, tu écrivais, tandis que moi je venais, j’ouvrais craintivement la porte, et regardais si je ne te gênais pas. Alors me voyant timide tu me disais : « Entre. » Et c’était ce que je voulais. Je me suis rappelé comment tu étais couché sur le divan, quand tu étais malade. Je me suis rappelé les terribles nuits que tu a passées,