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LÉON TOLSTOÏ

« 22 novembre 1884. Moscou. Hier, je suis allé chez le comte Tolstoï. Je m’attendais à rencontrer un vieillard sombre, plongé dans l’étude des vieux monuments de la littérature chrétienne, et j’ai vu un homme bon, sincère, dont la simplicité charme et attire. Sa famille était autour de la table à thé. Nous y prîmes place aussi, et la conversation devint générale. J’en fis en partie le sujet, parce que je sortais de l’Académie maritime et étudiais l’astronomie, ou peut-être tout simplement parce que j’étais nouveau dans ce milieu. Puis on parla de Lisinovka (propriété de Tchertkov), de ses établissements, puis l’on passa à la religion chrétienne. Tolstoï nous parla d’un nouveau monument de la littérature chrétienne, récemment retrouvé : « La doctrine des douze apôtres », où se trouvait une merveilleuse comparaison. À la question ; Comment reconnaître si un prophète est faux ou vrai ? on y répond ainsi : « Le vrai prophète est celui qui agit d’après ses paroles, qui fait ce qu’il enseigne, de même qu’un amphitryon goûte les plats qu’il sert à ses convives. »

« Je me souviens encore qu’il rappela les idées du professeur Bougaiev sur les lois morales et physiques. Je fis une timide objection, disant que plusieurs déduisent les lois morales des lois physiques, comme leurs conséquences immédiates. Haussant un peu la voix, Tolstoï remarqua : « Mais nous avons besoin de ces lois morales qui nous enseignent comment agir envers chacun. Est-ce que ces messieurs touchent ces lois ? Ils déduisent des lois générales que nous n’aurons jamais l’occasion d’appliquer, qui ne nous regardent pas, tandis que les autres s’éclairent par la lumière du Christ. »