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LÉON TOLSTOÏ

tristesses, telle sera la vraie vie chez nos enfants. C’est pourquoi il est important de les aider à acquérir ce qui nous donne le bonheur et à se débarrasser de ce qui fit notre malheur. Ni la connaissance des langues étrangères, ni les diplômes, ni le monde, ni encore moins l’argent ne sont rien dans notre bonheur ou notre malheur. C’est pourquoi la question d’argent ne peut pas nous intéresser. Si on lui attribue une importance quelconque, elle effacera ce qui est important. »

Mais, en réponse à l’une de ces lettres, Tolstoï, le 23 octobre, reçut de sa femme la lettre suivante :

« Hier, j’ai reçu ta première lettre et j’en ai été très attristée. Je vois que tu es resté à Iasnaïa non pour ce travail intellectuel que je place au-dessus de tout, mais pour jouer au Robinson. Tu as laissé partir le cuisinier pour qui c’était un plaisir de ne pas recevoir gratuitement sa pension, et, du matin au soir, tu te livres à ce travail physique que font d’ordinaire les jeunes gens. Alors, il vaudrait mieux vivre avec les enfants. Tu diras sans doute que cette vie est conforme à tes convictions et que cela te fait du bien. C’est une autre affaire. Je ne puis que te dire « réjouis-toi et prends du plaisir » et tout de même m’attrister que de pareilles forces intellectuelles se dépensent à couper du bois, chauffer le samovar et coudre des bottes. Tout est beau comme changement de travail, mais non comme occupations spéciales. Enfin, assez sur ce sujet. Si je n’avais pas écrit j’aurais du dépit, maintenant c’est passé et j’ai envie de rire. Je me suis calmée par ce proverbe russe : « Que l’enfant s’amuse de n’importe quoi, pourvu qu’il ne pleure pas. »