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VIE ET ŒUVRE

qui profitons de la violence, renonçions de notre propre mouvement à la richesse et à la violence. Cela ne se fera pas d’un coup, mais petit à petit. Pour cela, il nous faut faire valoir nous-mêmes la propriété et entrer en relations directes avec le peuple qui travaille pour nous. Je veux essayer de le faire ; je veux essayer tout à fait librement, sans violence, par la bonté, de mettre cela en pratique, à Iasnaïa. Je pense qu’il n’en résultera ni faute grave, ni grandes pertes, même aucune et peut-être une bonne œuvre. Je voudrais te raconter cela dans un de tes bons moments, quand tu écouteras, car il est difficile d’écrire tout cela. Je pense commencer tout de suite, reprendre tout des mains de Mitrofane, arranger les affaires, venir de temps en temps l’hiver, et au printemps m’occuper constamment. Peut-être, inconsciemment pour moi, ce projet me vient-il du désir de vivre plus longtemps à la campagne, mais je sens que ma vie a été faussement dirigée, à cause de l’éloignement, de l’indifférence pour ce qui se faisait de contraire à toutes mes convictions.

« Cette négligence venait de ce que ne reconnaissant pas la propriété, par fausse honte, je ne voulais pas m’en occuper afin de ne pouvoir être taxé d’inconséquence. Maintenant, je crois avoir surmonté cela. Je sais combien je suis inconséquent, mais mon amie, je t’en prie, n’oublie pas que cette œuvre me tient à cœur, et ne me réponds pas immédiatement sous la première impression, et ne me gâte pas mes intentions. Je suis convaincu que cela ne causera aucun dommage à personne et peut-être en sortira-t-il quelque chose de très bon et d’important… »