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LÉON TOLSTOÏ

femme, on sent le travail qui s’est accompli en lui :

« 1883. Le temps ici est très beau. La steppe est verte et riante et la récolte s’annonce bonne. Je me promène beaucoup, et quand je reste à la maison, je lis la Bible toujours avec un nouveau plaisir… Je suis d’humeur sérieuse et gaie, mais calme. Je ne puis vivre sans travailler. Hier je suis resté toute la journée sans rien faire et j’ai eu honte. Aujourd’hui je travaille… Je ne sais pas comment ce sera plus tard, mais maintenant ma situation de propriétaire et les demandes des pauvres que je ne puis satisfaire, cela m’est désagréable. Bien qu’il me répugne de penser à mon vilain corps, cependant, je sais que le koumiss me fera du bien, il me remettra l’estomac et en même temps les nerfs et le moral, et je serai plus apte à travailler tant que je vis. Peut-être irai-je à Kasalik, là-bas je serai plus libre… Il me semble que j’étais là il n’y a pas longtemps et pourtant j’ai beaucoup changé depuis ; tu trouves, je le sais, que je suis devenu pire, mais moi je sais le contraire, car il m’est beaucoup plus agréable, je me sens mieux avec l’homme que je suis maintenant qu’avec celui que j’étais auparavant… En route, j’ai rencontré beaucoup d’émigrants. C’est un spectacle touchant et très majestueux. »

Tolstoï profita de ce voyage pour revoir les Molokans de Samara. Le 12 juin il écrit :

« Aujourd’hui, je suis allé avec Vassili Ivanovitch à Patrovka et Gavrilovka pour l’affermage de la terre et j’ai causé longuement avec les Molokans, naturellement sur la loi chrétienne. Qu’on me dénonce ! J’évite les relations avec eux, mais une