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LÉON TOLSTOÏ

revint à lui, avec une terrible douleur dans le bras, il rassembla ses forces, se releva et marcha jusqu’à la route ; il y avait près d’une verste. Comment y parvint-il ? Dieu seul le sait. Il nous a dit que tout cela lui semblait être arrivé à une époque très très lointaine, que c’était autrefois qu’il montait à cheval, autrefois qu’il poursuivait un lièvre, et autrefois qu’il était tombé. En cet état il arriva jusqu’à la route et se coucha là. Des paysans passèrent. Il criait, mais les paysans n’y firent pas attention. Enfin, un piéton l’ayant aperçu arrêta une charrette qui passait, des paysans le soulevèrent, l’installèrent dans la charrette et le conduisirent au village, dans une isba. Lui-même avait demandé de ne pas être transporté à la maison, afin de ne pas m’effrayer. Et moi pendant ce temps, j’attends, avec Serge et maman, et je bougonne que personne ne vienne dîner. Tout d’un coup paraît Marie, enveloppée d’un châle, l’air étrange. Elle fait des mines et commence à me préparer : il faut être raisonnable, ne pas s’effrayer, et je crie : « Qu’est-il arrivé à Léon ; dites plus vite ? » J’apprends qu’il est dans une isba. J’y cours. Je le trouve déshabillé, et paraissant souffrir atrocement. Il gémit. Un paysan lui tient le bras, une femme frictionne. Agafia Mikhailovna prépare du thé. Tante aussi est là et les enfants pleurent. On envoya chercher le médecin. Il s’y est repris à huit fois pour remettre le bras, et il n’est parvenu qu’à faire souffrir Léon. Maman seule resta là tout le temps. Il passa une très mauvaise nuit. Je ne le quittai pas d’une seconde. Le lendemain est venu le jeune et sympathique docteur Preobrajenski, très habile.