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LÉON TOLSTOÏ

À cette époque se rattache aussi la connaissance, par correspondance, de Tolstoï avec le révolutionnaire Engelghardt, qui avait envoyé à Tolstoï une longue lettre, écrite dans un esprit chrétien. Dans son livre En quoi consiste ma foi, Tolstoï parle ainsi de cet événement.

« Récemment, j’eus entre les mains la correspondance instructive échangée entre un slavophile orthodoxe (Axakov) et un chrétien révolutionnaire. L’un défend la violence de la guerre au nom des frères slaves opprimés, l’autre la violence de la révolution au nom des opprimés, les paysans russes. Tous deux exigent la violence et tous deux s’appuient sur la doctrine du Christ. »

À la lettre d’Engelghardt, Tolstoï répondit par une longue lettre dans laquelle il exprimait ses idées, et principalement sa manière de comprendre le commandement de la non-résistance au mal par la violence. Nous citerons quelques passages de cette lettre, qui ajoutent quelques traits précieux à la caractéristique de l’état d’âme de Tolstoï, à cette époque.

« Mon cher L. N. Je vous écris, mon cher, non pour me conformer à l’usage, mais parce que, dès votre première lettre et surtout depuis la seconde, je sens que vous m’êtes très proche et je vous aime. Dans le sentiment que je ressens pour vous, il entre beaucoup d’égoïsme. Vous ne le croirez peut-être pas, mais vous ne sauriez vous imaginer jusqu’à quel point je suis isolé, jusqu’à quel point ce qu’il y a de vrai en moi est méprisé de tous ceux qui m’entourent. Je sais que celui qui souffrira jusqu’à la fin sera sauvé. Je sais que dans les petites choses