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VIE ET ŒUVRE

ma grossièreté, qu’ont les aînés, et il me semble qu’ils se développent dans de meilleures conditions, et c’est pourquoi valent mieux que les aînés. Les petits sont de braves garçons, bien portants. Je suis assez calme, mais souvent je suis triste à cause de la folie triomphante de la vie qui m’entoure. Souvent on ne comprend pas pourquoi il m’est donné de voir si clairement leur folie ; et eux sont totalement privés de la possibilité de comprendre leur folie et leur erreur. Et nous restons ainsi les uns en face des autres, sans nous comprendre et nous blâmant réciproquement. Seulement ils sont légion et je suis seul. Ils paraissent gais et moi presque triste. Tout ce temps j’ai travaillé beaucoup l’hébreu. Je l’ai presque appris, et puis déjà lire et comprendre. C’est le rabbin Minor qui me donne des leçons, un homme très bon et intelligent. Grâce à ses leçons, j’ai appris beaucoup et surtout je suis plein d’ardeur. Ma santé faiblit et souvent je désire la mort. Mais je sais que c’est là un désir mauvais, la deuxième tentation. Évidemment je ne l’ai pas encore vaincue. Que Dieu vous donne ce que j’ai parfois dans les bons moments. Vous savez quoi. Il n’y a rien de meilleur[1]. »

Le rabbin Minor, que mentionne Tolstoï dans cette lettre, a raconté lui-même au biographe allemand Lewenfeld quelques détails sur ces leçons. Nous citerons ce passage :

« Un jour, il y a cinq ou six ans, j’eus la visite de Tolstoï. Il venait me demander de lui recom-

  1. Archives d« P. S. Birukov.