Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
363
VIE ET ŒUVRE

son portrait. » — « Non, si c’est ainsi : faites celui de ma femme. » Je l’ai fait. Mais, dès ce moment, j’ai tout compris ; j’ai aimé cet homme, sans bornes. Il m’a tout révélé. Désormais je pouvais appeler ce que toute ma vie j’avais aimé, il me l’a nommé ; et, ce qui est le plus important, l’objet de notre amour était le même[1]. »

La comtesse Tolstoï raconte aussi à sa sœur cette connaissance du peintre Gay.

« … Maintenant le célèbre peintre Gay fait mon portrait. C’est très bien. Quel homme charmant et naïf ; il est délicieux. Il a cinquante ans, il est chauve, les yeux bleu-clair et le regard très bon. Il est venu faire connaissance de Léon. Il lui a fait une déclaration d’amour et a voulu faire quelque chose pour lui. Ma Tania est entrée. « Permettez-moi de faire le portrait de votre fille, » dit-il. À quoi, Léon répondit : « Faites plutôt celui de ma femme. » Et voilà déjà une semaine que je pose. Il me fait la bouche entr’ouverte, en corsage de velours noir avec une dentelle d’Alençon, et simplement en cheveux ; le portrait est d’un style sobre et très beau[2]. Léon ne travaille pas et Zakharine ne le lui a pas ordonné. Qu’il se repose ! Il joue souvent au whist, fait de longues marches et lit. Il est calme d’esprit ; nous sommes très amis et presque gais. »

L’ami fidèle et l’admirateur de Tolstoï, N. N. Strakov, continuait toujours à correspondre avec lui ; et la lettre qui suit précise les ressemblances et les différences qui existaient entre eux. Ils étaient

  1. V. V. Stassov, N. N. Gay. Sa vie et ses œuvres, p. 283
  2. Ce portrait fut détruit par l’artiste lui-même.