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LÉON TOLSTOÏ

dont j’aie besoin, et rien ne peut me faire plus de bien, et tes lettres m’ont ranimé. La bile, c’est une chose, et la vie morale une autre. L’isolement m’était très nécessaire et m’a rafraîchi, et ton amour me réjouit le plus au monde[1]. »

Le retour à Moscou fut marqué pour Tolstoï par un événement joyeux : sa connaissance avec le peintre N. N. Gay.

Gay a raconté ainsi cette connaissance dans ses mémoires :

« En 1882, je lus par hasard, dans un journal, l’article du grand écrivain L. N. Tolstoï « Sur le Recensement » et j’y trouvai des paroles qui m’étaient chères : « Notre manque d’amour pour les inférieurs est la cause de leur malheureux état. » Cette parole fut pour moi comme une étincelle qui m’enflamma.

« Je compris que j’avais raison, que le monde de mon enfance n’était pas flétri et que je lui devais le meilleur de ce qui était resté dans mon âme. Et je partis pour Moscou embrasser ce grand homme et travailler pour lui.

« J’arrive, j’achète une toile, des couleurs, et me rends chez lui. Il n’était pas à la maison. J’erre dans les rues pendant trois heures pour le rencontrer, mais sans résultat. Le domestique, voyant mon désappointement, me dit : « Venez demain à 11 heures, il sera sûrement à la maison. » Je viens. Je l’ai vu et embrassé ; — « Léon Nicolaiévitch, je suis venu travailler pour vous, tout ce que vous voudrez. Voici votre fille. Voulez-vous que je fasse

  1. Archives de la comtesse Tolstoï.