parole. Voilà la charité, mais votre œuvre, c’est de la balançoire ».
« Cette parole simple me frappa. Je n’en pouvais méconnaître la justesse, mais, malgré cela, il me semblait alors que l’œuvre entreprise pouvait être utile. Mais plus je la poursuivais, plus je voyais de pauvres, plus je me remémorais cette parole, et plus elle avait de sens pour moi. »
Convaincu enfin de l’inefficacité de l’œuvre entreprise, Tolstoï, après avoir distribué l’argent qu’il avait recueilli, l’abandonna et partit pour Iasnaïa Poliana.
Dans son isolement, Tolstoï continuait son travail de critique. Il écrit de là à sa femme :
« Je pense que nulle part je ne me sentirai mieux et plus tranquille. Tu es occupée de la maison et de la famille et tu ne peux sentir la différence qu’il y a pour moi entre la ville et la campagne. D’ailleurs, on ne peut rien dire ni écrire dans une lettre ; et ce que je pourrais dire fait l’objet de ce que j’écris maintenant ; tu le comprendras si je réussis à terminer mon travail. Le mal principal de la vie en ville, pour moi, et pour tout homme qui pense, c’est qu’il faut sans cesse, ou discuter et démentir des raisonnements faux, ou les admettre sans discussion, ce qui est encore pis. Et discuter et démentir des bêtises et des mensonges, c’est l’occupation la plus oisive, à laquelle il n’y a pas de fin, car il y a un nombre incalculable de mensonges. En plus, si l’on s’occupe de cela, on commence à s’imaginer que c’est quelque chose, tandis que ce n’est rien ; et si l’on ne discute pas, alors on s’explique quelque chose à soi, la possibilité de la discussion disparaît. Mais pour