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LÉON TOLSTOÏ

Sutaïev. Lui aussi est chrétien en pratique. Orlov et Féodorov ont lu le « Récit succinct des évangiles ». Nous pensons la même chose avec Sutaïev, jusque dans les moindres détails. En plus, j’écris des récits dans lesquels je désire exprimer mes pensées. Il semblerait que ce soit bien, mais le calme n’est pas encore là. Je reste toujours à la maison. Le matin, j’essaie de travailler, mais ça ne marche pas. Vers deux ou trois heures, je vais scier du bois, près de la Moscova, cela me fait du bien. On voit la vraie vie, et bien qu’on n’y puise que par seau, on se rafraîchit. Le soir, je reste à la maison et les invités m’assomment. Les conversations parfois sont intéressantes, mais combien vides ! Je voudrais m’enfuir. »

Tolstoï, tout ce temps, continuait à entretenir une correspondance avec son vieil ami N. N. Strakov. Malheureusement, nous n’avons pu retrouver ses lettres de cette époque ; mais celles de Strakov, que nous possédons, nous permettent de voir quel était alors le ton de leurs entretiens épistolaires.

« 29 novembre 1881. J’ai reçu votre lettre, cher Léon Nicolaiévitch, et j’y ai trouvé précisément ce que je craignais de votre silence, le reproche. Pourquoi, comprenant vos sentiments, je ne les partage point ? Je parlerai comme à confesse. Parce que je n’ai pas cette force de sentiment qui est en vous et ne veux ni m’effbrcer, ni feindre. Et où prendrais-je cette ardeur, ce sacrifice, dont vous vous sentez doué ? Soyez indulgent pour moi. Ne me repoussez pas à cause de cette divergence de vues. Je connais, pour l’avoir éprouvé moi-même, votre dégoût du monde ; mais je l’éprouve à ce