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VIE ET ŒUVRE

s’occupant d’organiser « la communauté de sa famille ». Il raconte que chez eux non seulement la terre était commune, mais même les coffres des femmes. La bru de Sutaïev avait un fichu sur la tête, Tolstoï lui demanda : — « Et ce fichu, est-il à toi ? » — « Non, répondit la femme, c’est celui de ma mère. Je ne sais pas où j’ai mis le mien. » Sutaïev amena Tolstoï chez un de ses coreligionnaires, ancien soldat, auquel il avait marié sa fille, et il lui raconta comment il avait célébré les noces de sa fille : « Une fois d’accord, on se réunit le soir, je leur expliquai comment il faut vivre, puis on leur prépara un lit et on les laissa ensemble. » Sutaïev était le pâtre du village ; il choisissait toujours les meilleurs endroits pour ses bêtes, car il avait pitié d’elles et veillait à ce qu’elles eussent toujours à boire et à manger.

Sutaïev attela son cheval pour reconduire Tolstoï chez Bakounine. En route, ils causèrent, et ils étaient tellement entraînés par leurs rêves sur la venue du royaume de Dieu sur terre qu’ils ne remarquèrent pas que le cheval les menait dans un fossé où la voiture versa. Tous les deux furent projetés sur le sol, mais par bonheur ni l’un ni l’autre n’eut de mal.

À cette époque, Tolstoï fit aussi la connaissance, à Moscou, d’un homme tout à fait remarquable : Nicolas Féodorovitch Féodorov, bibliothécaire du Musée Roumiantzev. Nous trouvons dans le journal de Tolstoï :

« Nicolas Féodorovitch est un saint. Vit dans un taudis. Donne tout aux pauvres. N’a ni linge ni lit. » Nicolas Féodorovitch, d’après les récits de gens