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VIE ET ŒUVRE

que j’ai moyen de savoir quelle complexité y apportent les séductions. Mais il ne s’agit pas de formules extérieures, mais de la foi, et il m’est joyeux de penser que vous et moi avons la même religion. « Quant à mon idée : réunir mes créances et, avec cet argent, faire quelque chose d’utile aux hommes, je dois vous dire que c’est une blague, même pire. C’est une mauvaise vanité.

« Une seule circonstance qui atténue mon péché et l’explique c’est que je le faisais pour les miens, pour ma famille. De l’argent, sans doute (comme vous l’écrivez), rien ne peut sortir, sauf le mal. Mais pour ma famille c’est le commencement de ce à quoi je tends perpétuellement : rendre ce qu’il y a, non pour faire le bien, mais pour être moins coupable.

« Je sais bien que mes raisons sont fort peu convaincantes, cependant, je me trompe peut-être, je pense les rendre indiscutables pour quiconque raisonne. Mais j’ai enfin compris qu’on ne peut convaincre logiquement. Ce que j’ai dit, ce que j’ai écrit, suffit pour indiquer le chemin. Celui qui étudie trouvera lui-même des raisons et des raisons meilleures, lui convenant mieux. Il s’agit seulement de montrer le chemin. Et je me suis convaincu que c’est la vie seule qui peut le montrer, l’exemple de la vie. L’effet de cet exemple est très peu rapide, très vague, très minime, mais seul l’exemple — la preuve de la possibilité de la vie chrétienne — donne la poussée. Aidons-nous les uns les autres à le donner. Écrivez-moi et soyons le plus sincère l’un devant l’autre. Je vous embrasse ainsi que tous les vôtres. »