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LÉON TOLSTOÏ

Pouschkine, à Moscou, et Tourgueniev, admirateur de Pouschkine, qui était venu en Russie exprès pour cette solennité, avait résolu de vaincre la répugnance de Tolstoï pour toutes ces sortes de fêtes et de lui faire accepter l’invitation qu’il venait lui faire en personne. Tourgueniev fut très cordialement reçu à Iasnaïa, mais Tolstoï refusa catégoriquement de participer à aucune fête. Étant donné l’état d’âme de Tolstoï à cette époque, nous comprenons facilement la raison de son refus ; mais Tourgueniev en fut froissé, et, quand, après les fêtes, Dostoievski voulut aller de Moscou à Iasnaïa Poliana, pour voir Tolstoï, Tourgueniev l’en dissuada. C’est ainsi que les deux grands écrivains n’eurent point l’occasion de se connaître personnellement. L’année suivante, Dostoievski n’était plus.

En juillet de la même année, Tolstoï écrivait à Fet : « Maintenant c’est l’été, et l’été délicieux ; je suis fou de la vie au point d’oublier mon travail. Cette année, j’ai lutté longtemps, mais la beauté de la nature m’a vaincu, et je me réjouis de la vie. Et je ne fais presque rien. »

En automne, il reprit son travail de critique. N. N. Strakov, qui vint le voir à ce moment, écrit à Danilevsky au sujet de cette visite :

À Iasnaïa Poliana, comme toujours, se poursuit un grand travail intellectuel. Vous et moi, probablement, n’apprécions pas également ce travail. Moi je l’admire et y suis conquis, de sorte que cela m’est même pénible. Tolstoï en suivant sa voie est arrivé à l’état d’âme religieux. Cet état s’exprimait déjà à la fin d’Anna Karénine. L’idéal chrétien est compris par lui d’une façon extraordinaire ;