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VIE ET ŒUVRE

nière page, et gros caractères, dans les journaux les plus répandus, et de faire 40 0/0 de remise aux libraires. Ce sont les procédés les plus ordinaires des éditeurs français, et c’est le seul moyen d’arriver au succès. La traductrice de Guerre et Paix ne trouva pas ces conditions acceptables, et tout se borna à la distribution d’une vingtaine d’exemplaires que je remis aux critiques et à des amis personnels qui écrivaient dans des périodiques. Je doute que quelqu’un d’eux lise entièrement cette œuvre de notre grand écrivain. Il faut vous dire que les Français ne peuvent pas s’imaginer un roman de plus d’un volume, et Guerre et Paix, à leur horreur, en a trois ou quatre. Flaubert, après avoir lu les deux premiers volumes, m’a déclaré qu’il avait abandonné le troisième, ne comprenant pas d’où Tolstoï sortait toute cette philosophie étrange. Taine, un homme très sérieux, un travailleur, qui est surchargé de besogne, dans deux ou trois ans donnera peut-être son opinion sur ce roman. Mais en général, parmi les écrivains français et les publicistes, personne n’a lu et ne lira cette œuvre remarquable. »

Quant à nous, nous sommes convaincu que la gloire de Tolstoï à l’étranger est due bien plus à ses œuvres religieuses et philosophiques qu’à ses œuvres littéraires, et nous essayerons de le prouver dans les chapitres suivants.

En avril 1880, Tourgueniev vint en Russie et écrivit à Tolstoï qu’il avait l’intention d’aller le voir à Iasnaïa pendant la semaine de Pâques. Outre le désir de voir Tolstoï, il avait aussi une importante mission à remplir auprès de lui. Cette année, la Russie célébrait l’inauguration du monument de