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VIE ET ŒUVRE

Mais qu’ai-je dit : je ne sais ce qu’éprouveraient les autres ? Je sais avec quelle force ces paroles répandraient sur toute la Russie le bien et l’amour.

« Les vérités du Christ sont vivantes dans le cœur des hommes ; elles seules sont vivantes et nous n’aimons autrui qu’au nom de ces vérités. Supposons, cependant, que les hommes vivent accoutumés à penser que les vérités divines sont du domaine du monde spirituel et ne sont pas applicables au monde réel. Supposons que les ennemis parlent ainsi : « Nous n’acceptons pas votre moyen ; il est vrai qu’il n’a pas été essayé, qu’il n’est pas nuisible, qu’actuellement nous traversons une crise, mais nous savons qu’il n’est pas applicable dans le cas prescrit et ne peut qu’être préjudiciable. » Ils diront : « Pardonner ? Rendre le bien pour le mal ? C’est bon pour un individu mais non, pour l’État. L’application de ces vérités au gouvernement du pays le conduirait à sa perte. »

« Sire, c’est un mensonge ; le plus cruel et le plus perfide. L’accomplissement de la loi de Dieu, mener les hommes à leur perte ! Rien n’est plus sacrilège que de dire : la loi de Dieu ne vaut rien. Alors elle n’est pas la loi de Dieu.

« Oublions, pour un moment, que la loi de Dieu est supérieure à toutes les autres lois et applicable en toute circonstance. Oublions-le. Soit : la loi de Dieu n’est pas applicable ; si on l’applique, le mal sera encore plus grand. Si l’on pardonne aux meurtriers, si l’on ouvre les prisons, supprime la déportation, le mal sera de beaucoup pire. Mais pourquoi cela ? Qui le dit ? Comment le prouvez-vous ? Par votre lâcheté. Vous n’avez pas d’autres preu-