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LÉON TOLSTOÏ

n’a réussi : l’état du malade empire. Il y a encore un moyen, un moyen dont les médecins ne savent rien, un moyen étrange. Pourquoi donc ne pas l’essayer. Il a du moins un avantage indiscutable sur tous les autres moyens qui ont été employés infructueusement : celui-ci ne l’a jamais été. On a essayé, au nom de la nécessité de l’État, au nom du bien du peuple, d’opprimer, de déporter, d’exécuter ; on a essayé, au nom de la même nécessité et du même bien du peuple, de donner la liberté : le résultat a été le même. Pourquoi donc ne pas essayer, au nom de Dieu, d’exécuter sa loi, sans penser ni à l’État ni au peuple ? On ne peut commettre aucun mal en accomplissant la loi divine. Un autre avantage, également indéniable, du nouveau moyen, c’est que les deux précédents n’étaient pas bons par eux-mêmes. Le premier n’était autre que la violence, la peine de mort (quelque juste qu’elle paraisse, chacun sent que c’est un mal) ; le deuxième, l’essai timide et même déloyal de la liberté ; le gouvernement donnait d’une main cette liberté et la retenait de l’autre. L’application de ces deux moyens, quelque utiles qu’ils parussent pour l’État, n’était pas une œuvre bonne de la part de ceux qui l’accomplissaient. Le nouveau moyen, au contraire, est de telle nature qu’il fait la joie et le bonheur suprême de l’âme humaine. Pardonner, rendre le bien pour le mal est chose bonne en soi. L’application des deux moyens anciens, contraires à l’âme chrétienne, doit laisser des remords, tandis que le pardon donne la joie suprême à celui qui pardonne.

« Présentement, selon les circonstances, le pardon