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LÉON TOLSTOÏ

Dans la préface de cette œuvre, Tolstoï raconte lui-même les circonstances qui le poussèrent à ce travail. Citons quelques extraits de cette préface.

« Amené par la raison, sans la foi, au désespoir et à la négation de la vie, je tournai mes regards vers l’humanité et remarquai que ce désespoir n’est point le sort général, mais que des hommes ont vécu et vivent par la foi. Je vis autour de moi des hommes qui possédaient cette foi, et trouvaient en elle un sens de la vie qui leur permettait de vivre tranquillement et joyeusement, et d’accepter ainsi la mort. Je ne pouvais par la raison m’expliquer ce sens. J’ai tâché d’arranger ma vie à la manière des croyants, de remplir tout ce qu’ils remplissaient dans la vie et dans l’adoration extérieure de Dieu, pensant qu’ainsi me serait révélé le sens de la vie. Plus je me rapprochais du peuple et exécutais ses rites de l’adoration de Dieu, plus je sentais deux forces contraires agir sur moi. D’un côté se révélait à moi de plus en plus un sens de la vie qui me satisfaisait, que ne détruisait pas la mort ; de l’autre côté, je voyais que, dans ce culte extérieur de Dieu, il y a beaucoup de mensonges. Je comprenais que le peuple, faute d’instruction, de temps, d’habitude de penser, ne pouvait voir ce mensonge, mais moi, je ne pouvais ne point le voir et, l’ayant vu, fermer les yeux, comme me le conseillaient des gens instruits, croyants. »

« Chaque doctrine chrétienne, dit-il plus loin, provient de la doctrine du Christ lui-même. Mais d’elle aussi proviennent toutes les autres doctrines. Toutes sont nées du même grain, et c’est ce qui les unit. C’est pourquoi, pour comprendre la doctrine