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VIE ET ŒUVRE

malheur d’écouter ma raison, si je ne renonce pas à ma raison pour suivre les exigences de l’Église, je suis également perdu. C’est peu. Même si je crois à tout, mais n’ai pas eu le temps de communier, pour une raison quelconque, je puis tomber en enfer et y rester…

« À ma question : Comment dois-je vivre ? la doctrine de l’Église répond en niant tout ce qu’exige mon sens moral, et impose ce qui me parut toujours la chose la plus immorale : l’hypocrisie. De toutes les applications morales des dogmes, il ne découle qu’un précepte : Sauve-toi par la foi. Si tu ne peux pas comprendre ce que l’on t’ordonne de croire, dis quand même que tu crois. Étouffe par toutes les forces de ton âme ton besoin de lumière et de vérité. Dis que tu crois et fais ce qui découle de la foi…

« La logique est impitoyable : Si je suis racheté par la mort de Dieu, si tous mes futurs péchés sont rachetés, à quoi bon les actes. Il suffit de croire. Comment puis-je lutter, aspirer au bien, en quoi je comprenais autrefois les bons actes, quand le dogme principal de la religion c’est que l’homme ne peut rien par lui-même et que tout arrive par la grâce. Mais la grâce, je ne puis l’acquérir par moi-même ; elle m’est communiquée par les autres. Elle se donne par les sacremenls et par les prières de l’Église. Alors, il faut avoir près de soi des prêtres, ou vivre au couvent, et laisser de l’argent pour les messes.

« La voilà, la réponse à la question : Que dois-je faire ? Si révoltante qu’elle soit à la conscience, elle est inévitable. Je me rappelle qu’à l’époque où je doutais encore de la doctrine de l’Église et lisais