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VIE ET ŒUVRE

criât : Je suis un et trois ! je resterais non pas incrédule (on ne saurait parler ici de croire), mais stupéfait, me demandant ce que signifient ces paroles, en quelle langue et d’après quelles lois elles peuvent avoir un sens.

« Pour moi, élevé dans l’esprit de la religion chrétienne et qui, après toutes les erreurs de ma vie, et les écarts de la raison, suis arrivé à la négation de la vie et au désespoir terrible ; pour moi qui ai trouvé le salut dans cette religion, que je sentais seule capable de mouvoir l’humanité par la force divine ; pour moi qui cherche l’expression supérieure accessible à moi, de cette religion ; pour moi qui crois avant tout en Dieu mon père par la volonté duquel je vis, souffre et cherche en souffrant la révélation ; pour moi, admettre que des paroles sacrilèges sont la seule réponse que je puisse recevoir de mon père, quand je lui demande comment le comprendre et l’aimer ; pour moi c’est impossible…

« Dieu ! Dieu incompréhensible mais existant, par la volonté duquel je vis ! Tu as introduit en moi cette aspiration à te connaître et à me connaître. J’ai erré, j’ai cherché la vérité où il ne le fallait point. Je savais que j’errais. Je flattais mes mauvaises passions, les sachant mauvaises, mais je ne l’oubliais jamais. Je t’ai senti toujours, même quand je m’égarais. J’ai failli périr, t’ayant perdu. Mais tu me tendis la main, je la saisis et la vie s’éclaira pour moi. Tu m’as sauvé et je cherche maintenant une seule chose : m’approcher de toi, te comprendre comme il m’est possible. Aide-moi, enseigne-moi. Dieu de vérité et d’amour, approche-moi