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LÉON TOLSTOÏ

tion me dit que je dois une fois par an boire le vin appelé le sang de Dieu, le comprenant à ma manière, ou ne le comprenant pas, je l’exécuterai. Il n’y a rien dans cet acte qui contredise la conscience vague. De même à certains jours, je mange des choux, et d’autres jours, de la viande.

« Mais quand la tradition (déformée par la lutte des hommes autour de diverses interprétations) dit qu’on peut tuer le plus possible de Turcs, ou que « celui qui ne croit pas que ce soit là le vrai sang, etc. », alors, sans consulter la raison, mais cette seule voix vague et indiscutable du cœur, je dis que cette tradition est fausse.

« De sorte que je nage dans les insanités comme le poisson dans l’eau ; je ne me soumets que quand la tradition me transmet des actions justifiées par elle, qui ne concordent pas avec la stupidité fondamentale de la conscience vague qui est dans mon cœur. Si, malgré le vague de mes expressions, vous comprenez ma pensée, écrivez-moi si vous êtes ou non de mon avis, et, dans ce dernier cas, pourquoi. J’ai hésité à dire cela, mais je dis ce que je sens. Je suis tellement convaincu de ce que je dis, et cette conviction m’est si douce, que je vous la souhaite. Je voudrais que vous éprouvassiez le même calme et la même liberté morale que j’éprouve.

« Je sais que les voies de la compréhension, même quand il s’agit des vérités mathématiques, sont différentes selon les esprits, à plus forte raison doivent-elles l’être pour les vérités métaphysiques. Mais c’est pour moi si clair que j’ai peine à comprendre que cela ne le soit pas pour les autres. Je sais aussi que si, pour aller à Moscou, je dois aller