Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
255
VIE ET ŒUVRE

et s’adonne tout entier à la vie de famille. Durant les années 60 et la moitié des années 70, ses forces sont absorbées par la famille et l’exploitation du domaine, d’un côté, et l’activité littéraire, de l’autre.

« Ainsi passèrent quinze ans encore. Bien que je considérasse la littérature comme une bagatelle, pendant ces quinze ans je continuais cependant à écrire. Je connaissais la séduction qu’exerce la littérature : l’appât du gain énorme et les applaudissements qui récompensent un menu travail. Et je vis dans la littérature le moyen d’améliorer ma situation matérielle, d’étouffer dans mon âme toutes les questions sur le sens de ma propre vie, et de la vie, en général…

« Ainsi je vécus. Mais il y a cinq ans, quelque chose d’étrange commença à se manifester en moi. D’abord, ce furent des moments d’étonnement, d’arrêt de la vie, comme si je ne savais pas comment vivre ni que faire, et je devenais inquiet et triste. Ces moments passés, je continuais à vivre comme auparavant. Par la suite, ces moments de perplexité devinrent de plus en plus fréquents, mais toujours sous la même forme. Ces arrêts dans la vie s’exprimaient toujours par les mêmes questions. Pourquoi ? Eh bien ? Et après ?…

« Je compris que ce n’était pas une indisposition accidentelle, mais quelque chose de très grave, et que, si la même question se répétait toujours, il fallait y répondre », écrit Tolstoï dans ses Confessions.

C’étaient les premiers indices sérieux de la crise qui s’approchait ; mais, en réalité, c’était la crois-