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LÉON TOLSTOÏ

journal, qui me fait croire que je ne suis pas pour être comme tout le monde. »

La première manifestation de cette force créatrice fut appréciée des littérateurs, et ils l’appelèrent à eux. Tolstoï ne put jamais s’inféoder à leur groupement professionnel et resta toujours l’artiste indépendant, au sens le plus large du mot.

Pendant ce temps, les événements marchaient autour de lui ; ils le poussent à Sébastopol. Là, de nouveau le choc fatal entre les aspirations les plus élevées et la réalité la plus terrible. Des hommes bons, intelligents, héroïques, dépensaient d’immenses forces morales et matérielles en des tueries réciproques. Et de nouveau paraît en l’âme de Tolstoï la question : Que faire ?

Cette fois il n’y répond plus par la pensée d’un changement dans les conditions sociales ; ce ne sont plus les passions qu’il faut vaincre, il cherche plus profondément l’origine de la contradiction de la vie. Et chez lui paraît l’idée de la réforme de la base même de la vie, de la religion chrétienne.

« À la réalisation de cette grande, immense idée, écrit-il, je me sens capable de consacrer toute ma vie. »

Mais cette résolution, comme les précédentes, pour un temps encore reste au fond de son âme.

Tolstoï paraît dans la société, acquiert la gloire ; les tentations du monde l’entraînent, et de nouveau le voilà dans le tourbillon de la passion. Ayant goûté les séductions du progrès et de la civilisation, il ressent une soif insatiable de nouvelles impressions fortes, il veut épuiser la coupe des plaisirs, et ce nouvel entraînement était d’autant plus fort que