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LÉON TOLSTOÏ

Tourgueniev, moins sensible aux rapports moraux, continue d’écrire à Tolstoi :

« Je me réjouis que vous tous soyez en bonne santé. J’espère que votre malaise moral, dont vous m’avez écrit, est passé aussi. Je connais cela. Parfois il paraît comme une excitation intérieure, avant l’élaboration d’une œuvre. Je suppose qu’une excitation de ce genre s’accomplit aussi en vous. Malgré votre demande de ne pas parler de vos œuvres, je ne puis taire que jamais « même en pensée » il ne m’est arrivé de me moquer de vous. Quelques-unes de vos œuvres me plaisent énormément, d’autres me déplaisent énormément, quelques-unes, comme les Cosaques, m’ont fait un énorme plaisir et provoquent mon admiration. Mais pourquoi me moquerais-je ? Je croyais que depuis longtemps vous aviez rejeté de pareils soupçons. Pourquoi ne sont ils propres qu’aux littérateurs et non aux musiciens, aux peintres ou aux autres artistes ? Probablement parce que, dans l’œuvre littéraire plus qu’en toute autre, rentre la plus grande part de l’âme, qu’il n’est pas toujours commode de montrer. Oui, mais à nos âges, il est temps de s’y habituer. »

Cette lettre refroidit encore davantage les sentiments de Tolstoï à l’égard de Tourgueniev. Dans sa lettre à Fet, du 22 novembre 1878, nous trouvons entre autres :

« … Hier j’ai reçu une lettre de Tourgueniev, et j’ai décidé de me tenir le plus loin possible de lui et du péché. C’est un homme très désagréable. »

Mais Tourgueniev ne remarquait pas cette froi-