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LÉON TOLSTOÏ

une délicieuse orangerie qui a coûté 10.000 francs ; nous avons arrangé cela et cela. « Nous » c’était la famille Viardot et lui-même. — « Le soir, nous jouons souvent au whist, et vous ? » demanda-t-il à Léon Nicolaiévitch — « Nous ne jouons jamais aux cartes, répondit le comte. Notre vie est tout autre ici, et vous devez trouver tout bien étrange quand vous venez en Russie. » — « Les premiers jours, en effet, tout me frappe et me paraît étrange, répondit Ivan Sergueievitch, mais cette impression s’efface bientôt, et je m’habitue à tout. Tout cela est ma vie ; ici j’ai grandi, passé mon enfance et une partie de ma jeunesse. »

Sachant qu’il aimait les échecs, la comtesse Tolstoï lui proposa une partie avec son fils aîné, qui avait alors quinze ans, en disant : « Toute sa vie il se rappellera avoir joué avec Tourgueniev. » Tourgueniev accepta et se mit à jouer, tout en continuant à causer avec nous. — « À Paris, j’ai joué souvent et suis considéré comme un bon joueur, dit-il. On m’a surnommé le chevalier du fou. C’était mon coup favori. Et connaissez-nous le nouveau mot, chez les Français ? Vieux jeu. Quoi qu’on dise, le Français répond : « Vieux jeu. » « Eh ! Eh ! il faut être sérieux avec vous, s’adressa-t-il à son jeune partenaire. Vous avez failli me faire perdre. » Il donna quelque attention à la partie et la gagna, mais non sans peine, car le jeune Tolstoï jouait très bien aux échecs.

— « Pourquoi ne fumez-vous pas ? lui demanda Tolstoï. Autrefois vous fumiez. » — « Oui, répondit Tourgueniev, mais à Paris il y a deux jolies demoiselles qui m’ont déclaré que si je sentais le