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VIE ET ŒUVRE

choses mêmes, avec un art extraordinaire. Par exemple, il représenta du geste la poule au pot, en mettant ses mains l’une sur l’autre. Puis il figura le chien de chasse, en arrêt…[1] »

« Tourgueniev a passé chez nous deux jours, écrit la comtesse. Il ne fut point question du passé. On causa de choses abstraites, et, à mon avis, Léon Nicolaiévitch se tenait avec une certaine déférence, très aimablement, du reste sans dépasser les limites. Tourgueniev, en partant, m’a dit : « Au revoir, j’ai eu grand plaisir chez vous ». Il a tenu son « au revoir ». Il est revenu chez nous au commencement de septembre. »

Une des hôtes de Iasnaïa-Poliana, Mme E. M…, a écrit ce qui suit sur cette visite de Tourgueniev :

« En 1878, j’ai vu pour la dernière fois Tourgueniev. C’était à Iasnaïa-Poliana, chez le comte L. N. Tolstoï. Depuis seize ans ils ne se voyaient plus. Par une raison morale quelconque, Tolstoï a fait les premiers pas, et Tourgueniev a répondu à son avance. Ils se sont rencontrés à Toula et sont allés ensemble à Iasnaïa-Poliana. La plupart du temps ils causaient philosophie et religion dans le cabinet de travail de Léon Nicolaiévitch. Il eût été intéressant de noter les discussions de ces deux écrivains remarquables, mais le mystère de leurs entretiens n’a pas franchi la porte du cabinet. Quand ils passaient au salon, la conversation devenait générale et prenait une autre tournure. Tourgueniev parlait avec plaisir de la villa qu’il venait d’acheter à Bougival. Il disait entre autres : « Nous avons fait construire

  1. S. A. Bers, Souvenirs sur Tolstoï, p. 22.