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VIE ET ŒUVRE

trouve que l’homme humble ne doit pas conserver d’ennemis. Et c’est dans ce sens qu’il a écrit à Tourgueniev. Cet événement, non seulement me surprit, mais me força à rentrer en moi-même. Entre Tolstoï et Tourgueniev, pensai-je, il y avait au moins une cause de rupture, mais entre moi et Tourgueniev, il n’y en eut point. Ses sorties impertinentes me paraissaient toujours plus drôles que blessantes, bien que je ne pusse les envisager comme feu Ketcher qui, en pareil cas, éclatait d’un rire sonore et disait : Imbécile ! C’est ridicule que des hommes qui, en réalité s’estiment, se séparent, simplement parce que l’un est occidental, sans aucun fonds, tandis que l’autre est lui aussi occidental, mais sur le sol russe. Et j’écrivis toutes ces considérations à Tourgueniev[1]. »

En août, Tourgueniev écrivit à Tolstoï, de Moscou :

« Très cher Léon Nicolaiévitch. Je suis arrivé ici hier. Je partirai dimanche soir et passerai lundi à Toula où j’ai à faire. Je désirerais beaucoup vous voir, et en outre j’ai des commissions pour vous. Alors que décidez-vous ? Viendrez-vous à Toula, où irai-je à Iasnaïa-Poliana, d’où je partirai pour plus loin ? Je ne connais pas d’hôtel à Toula. J’arriverai dans la nuit du dimanche à lundi et prendrai une chambre quelconque. Mais vous pouvez envoyer un mot ou un télégramme à la gare ou à une de nos connaissances communes, le maréchal de la noblesse, Samarine ; et je donnerai des ordres en conséquence[2]. »

  1. A. Fet, Mes Souvenirs, vol. ii, p. 350.
  2. Recueil des Lettres de Tourgueniev, p. 331.