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LÉON TOLSTOÏ

si supérieurement bien ils jouaient pour un homme aimé et très cher. Quant à moi, je ne peux vous dire jusqu’à quel point j’étais heureux et fier que ma musique pût vous charmer et vous toucher. Je transmettrai votre commission à Rubinstein dès son retour de Pétersbourg. Sauf Fitzenhagen qui ne lit pas le russe, tous les autres participants du quatuor connaissent vos œuvres. Je pense qu’ils vous seront très reconnaissants si vous envoyez à chacun d’eux l’une quelconque de vos œuvres. Pour moi je vous demanderais de me faire cadeau des Cosaques, mais pas maintenant, la prochaine fois que vous viendrez à Moscou, ce que j’attends avec la plus grande impatience. Si vous envoyez votre portrait à Rubinstein, ne m’oubliez pas aussi. »

Les relations entre Tolstoï et Tchaïkovsky s’arrêtent là et nous devons dire que la rupture fut due à Tchaïkovsky. Dans la fin du journal de celui-ci, on remarque en effet un certain désenchantement à l’endroit de Tosltoï. Il lui était désagréable que « le potentat de ses pensées », l’être qui savait soulever en son âme les élans les plus enthousiastes, prononçât parfois « des choses très ordinaires et même indignes du génie ». Tchaïkovsky avait trop admiré de loin son idole pour conserver intact son culte en la voyant face à face, en constatant de quoi elle était faite, et quelles étaient ses imperfections. Il avouait que, malgré le bonheur que lui causait la connaissance de Tolstoï, depuis, toutes ses œuvres, même celle qu’il préférait jadis, avaient perdu pour lui leur charme. Anna Karénine, dont la publication commençait, d’abord ne lui plut pas.

En septembre 1877, il écrivait à son frère :