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VIE ET ŒUVRE

voi des chansons. Je dois vous dire franchement qu’elles sont notées d’une main inexpérimentée et ne contiennent guère qu’une trace de leur beauté primitive. Leur principal défaut c’est d’être poussées artificiellement dans un rythme régulier et mesuré. Seuls les airs des danses russes ont un rythme cadencé et accentué. Mais les bylines n’ont rien de commun avec les airs de danse. En outre, la plupart de ces chansons sont écrites dans le solennel D dur, ce qui de nouveau n’est pas conforme au style de la vraie chanson russe qui, presque toujours, a une tonalité indéfinie, et se rapproche surtout des vieux chants religieux. En général, les chansons que vous m’avez envoyées ne peuvent être arrangées systématiquement, c’est-à-dire qu’on n’en peut faire un recueil, puisque, pour cela, il faut que la chanson soit exécutée le plus possible telle que l’exécute le peuple. C’est une chose excessivement difficile, qui exige le sentiment musical le plus fin et une grande érudition musicale. Sauf Balakirev, et peut-être Prokhounine, je ne connais personne qui soit à la hauteur de cette tâche. Mais comme matériaux pour sujets de symphonies, vos chansons peuvent servir, et j’en profiterai certainement d’une façon ou de l’autre. Je suis très heureux que la soirée du Conservatoire vous ait laissé une aussi bonne impression. Nos artistes ont joué ce soir comme jamais. Vous pourrez conclure de là que la paire d’oreilles d’un grand artiste comme vous est capable d’animer un musicien cent fois plus que des dizaines de milliers d’oreilles du public. Vous êtes un de ces écrivains qui font aimer non seulement leurs œuvres, mais leur personne. On voyait qu’en jouant