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LÉON TOLSTOÏ

« Récemment, le comte Tolstoï a passé quelques jours ici. Il est venu me voir plusieurs fois et a passé chez moi deux soirées entières. Je suis très flatté et très fier de l’intérêt que je lui inspire, et de mon côté je suis absolument charmé de sa personnalité originale. »

Le frère de P. I. Tchaïkovsky commente ainsi ces renseignements : « Encore étudiant, dès la première apparition des œuvres de L. N. Tolstoï, mon frère aima cet écrivain plus que tous les autres. Ce goût augmenta avec l’importance des œuvres du grand écrivain et se transforma en un véritable culte. Pierre Ilitch avait une imagination très impressionnable et à tout ce qu’il aimait, mais ne pouvait voir, il attribuait des proportions fantastiques. C’est pourquoi le créateur de l’Enfance et de l’Adolescence, des Cosaques, de Guerre et Paix, pour lui n’était pas un homme, mais, selon son expression : « un demi-dieu ». À cette époque on ne savait rien de Tolstoï, rien de sa vie privée, on ne connaissait pas même son portrait, de sorte que Pierre Ilitch pouvait plus aisément encore s’imaginer un Tolstoï presque fabuleux.

« Et voilà que cet être mystérieux tout d’un coup descendit des hauteurs inaccessibles et le premier vint lui tendre la main. « Je fus saisi de peur et d’une sorte de gêne, quand je me trouvai devant lui, racontait Tchaïkovsky. Il me sembla qu’à ce grand connaisseur du cœur humain on ne pouvait cacher toute la boue qui se trouve au fond de l’âme, et montrer seulement l’extérieur. S’il est bon, (et il devait l’être), pensai-je, alors délicatement, comme un médecin qui étudie la plaie et connaît tous les