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VIE ET ŒUVRE

livre. Bien que mon opinon ne vous soit sans doute pas nécessaire, il a produit sur moi un effet si considérable que je me sens le besoin de vous l’écrire. Je l’ai lu et ne pouvais m’en détacher. Je l’ai lu le crayon à la main. Je notais les passages qui me frappaient et les relisais. L’impression générale : 1o j’ai appris beaucoup de choses ; 2o plusieurs questions dont j’avais une vague idée sont posées et résolues d’une façon claire, neuve et forte. (J’ai honte à me rappeler l’opinion superficielle que j’avais de ce livre, par cette seule raison que tous les articles qu’il contient avaient déjà été publiés. J’en concluais faussement : cela a été publié, on n’en a pas entendu parler, ce n’est donc rien d’extraordinaire). Comme les habitudes sont fortes ! 3o il y a encore beaucoup de questions non résolues. On prévoit en quel sens l’auteur doit les résoudre, on a peur pour lui ; 4o l’impression désagréable de l’inégalité du ton et même d’une certaine inconséquence dans le sujet du livre. Comprenez-moi : en plusieurs passages il y a une clarté si vive qu’elle indique une logique très sévère dans les idées de l’auteur. Et voilà, de cette logique le livre s’écarte. Maintenant, en particulier : les lettres i, ii, iii, iv, v. Tout va bien, mais dans la ve lettre, pages 74, 75, l’auteur dit que la compréhension doit commencer par l’esprit. En quoi l’homme se distingue-t-il du reste du moude ; il ne se distingue nullement par l’esprit que je ne comprends pas, mais parce qu’il juge de soi quand il juge d’un homme, et ne juge pas de soi quand il juge les choses. Se juger (ou mieux avoir soi pour objet), c’est ce que nous appelons la conscience. La diffé-