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LÉON TOLSTOÏ

Une semaine plus tard, Tolstoï, déjà plus calme, écrit au même :

« 23 septembre 1872. Iasnaïa. Mon irritation peu à peu s’est calmée. Je puis déjà sans colère admirer l’étendue de cette vilenie qu’on appelle la vie. Pouvez-vous vous imaginer qu’on m’a tourmenté, pendant un mois ; que jusqu’à présent on ne m’a pas encore déchargé de l’engagement de ne pas quitter la maison et qu’on a trouvé que quelqu’un, le juge d’instruction, s’est trompé, qu’en effet cette affaire ne me concerne pas, et que si cette affaire traîne depuis plus d’un mois, au lieu d’avoir été décidée en sept jours, selon la loi, c’est une de ces toutes petites imperfections propres à l’humanité. C’est comme si un portier tuait son maître, si tous les portiers tuaient ceux qu’ils ont charge de garder et disaient : Que faire, c’est l’imperfection de l’humanité. J’avais commencé à écrire l’article, mais j’ai abandonné. Je suis honteux de m’irriter contre la stupide et ridicule plaisanterie qu’est la justice. En Angleterre aussi, je ne pars point puisque l’affaire n’est pas venue jusqu’au tribunal. Mais j’avais décidé qu’au cas où je serais traduit devant le tribunal, je partirais. Et je serais parti. Si Dieu donne, je vous raconterai tout[1]. »

Après de longs atermoiements, l’instruction avait décidé que Tolstoï n’était en rien responsable dans cet accident, que le gérant seul en avait à rendre compte. Mais à la fin des fins, le gérant fut aussi mis hors de cause et l’affaire fut classée.

Contrairement à toutes probabilités, ce terrible

  1. Archives de V. G. Tchertkov.