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LÉON TOLSTOÏ

koumiss, Tolstoï apprit le triste accident survenu en son absence : un taureau avait tué un de ses ouvriers. L’instruction avait été ouverte et Tolstoï était inculpé. Cette affaire causa à Tolstoï de très gros soucis. Outre le chagrin qu’il ressentait qu’un ouvrier qui travaillait pour sa famille eût été tué, les pouvoirs judiciaires et policiers lui suscitèrent une foule d’ennuis : on l’obligea, par exemple, à ne pas quitter sa résidence, durant toute l’instruction, qui se prolongea un temps infini et, naturellement, n’aboutit à rien.

Nous trouvons trace de cet événement dans une lettre de Tolstoï à sa parente, la comtesse A. A. Tolstoï, lettre qui débute ainsi :

« Chère amie Alexandrine. Vous êtes une de ces personnes qui disent par tout leur être : je veux partager tes malheurs, et te faire partager mes joies. Et voilà, moi qui vous raconte toujours mes joies, je cherche maintenant votre sympathie dans mon malheur. Un événement inattendu vient de bouleverser ma vie… »

Tolstoï qui ne devait pas quitter Iasnaïa Poliana avant que la question de culpabilité ne fût résolue fut en même temps nommé juré ; et, ne pouvant se rendre au tribunal, on le condamna de ce fait à une amende. Après avoir mentionné cette autre circonstance, Tolstoï termine ainsi sa lettre :

« C’est épouvantable de penser à toutes les vilenies qu’ils m’ont faites, me font et me feront. Avec ma barbe blanche, six enfants, et la conscience d’une vie utile et laborieuse, avec la certitude de n’être point coupable, avec le mépris que je ne puis ne pas avoir pour les nouveaux tribunaux, avec le