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VIE ET ŒUVRE

du travail, la hache et la pelle à la main, c’est-à-dire à mille lieues de tout l’artificiel, et surtout de notre œuvre. Après avoir ouvert la lettre, la première chose que je fis fut de lire le petit poème, et le nez a commencé à me chatouiller. Je suis venu trouver ma femme pour le lui lire, mais des larmes d’attendrissement m’en ont empêché. C’est un de ces rares poèmes où l’on ne peut ni ajouter ni retrancher, ni changer un seul mot. Après l’impression qu’a faite sur moi le poème, il m’est triste à penser qu’il sera imprimé sur le papier, dans une revue quelconque, et que des gens le jugeront et diront : Tout de même, ce Fet est assez bon.

« Vous me demandez ce que je pense du poème ? Mais moi je sais le bonheur qu’il vous a donné par la conscience qu’il est beau, que c’est vous qui l’avez écrit, qu’il est vous. »

Nous savons déjà que, durant l’hiver 1870-1871, Tolstoï se livra avec passion à l’étude du grec, et que sa santé ébranlée par ce travail l’obligea à une cure de koumiss.

L’augmentation de la famille contraignit Tolstoï à faire agrandir sa demeure, et à la fin de 1871, il fit construire une aile, dont l’étage supérieur est maintenant le salon, et le bas, le vestibule et la bibliothèque. La fin de cette construction fut fêtée à Noël par une réunion de parents et d’amis. On organisa une mascarade à laquelle prit part Tolstoï lui-même. Dans la maison parurent à l’improviste un montreur d’ours, menant deux ours et une chèvre. La chèvre, à la surprise et l’amusement de tous, était Tolstoï lui-même.

L’année 1872 trouva Tolstoï dans un état d’es-