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VIE ET ŒUVRE

artistique d’Anna Karénine. V. V. Tchouiko, dans le Goloss, fait une comparaison très réussie entre Tolstoï et Stendhal. Après avoir analysé les qualités communes aux deux grands écrivains, il les différencie en ces termes :

« La création chez Stendhal est purement théorique, artificielle. Partant d’une proposition psychologique, il construit tout un caractère, et si ce caractère paraît vivant, ce n’est que grâce à la logique extraordinaire avec laquelle il développe les conséquences de cette première proposition, les inéluctabilités définies par la vie et par la situation. Chez le comte Tolstoï, c’est la vie et les hommes qui sont au premier plan. Il aime cette vie et ces hommes avec toute la passion et la sensibilité d’un artiste. Sa création n’est pas un procédé théorique, mais la vie elle-même, telle qu’elle se reflète dans sa pensée… »

Cette opinion de Tchouiko, qui reconnaît une parenté artistique entre Tolstoï et Stendhal, est intéressante, surtout parce que nous savons que Tolstoï aimait beaucoup Stendhal et qu’il dut probablement subir son influence.

V. S. Soloviev, que nous avons cité tout à l’heure, fut désenchanté du roman, après la publication de la deuxième partie, et reprocha à Tolstoï la vulgarité de ses héros. Quant à Tchouiko, il resta fidèle admirateur d’Anna Karénine et défendit Tolstoï contre les attaques de la critique. Mais à l’apparition de la viiie partie, lui-même abandonna Tolstoï et lui reprocha la pauvreté de son idéal.

Avséienko admire le roman et en souligne la tendance aristocratique, qui, selon nous, n’existe pas.