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LÉON TOLSTOÏ

tenant, alors que la critique forme les neuf-dixièmes de tout ce qu’on écrit, il faut des hommes qui montrent l’insanité de la recherche des pensées particulières dans les œuvres artistiques, et qui guident le lecteur dans ce labyrinthe où s’enchevêtrent toutes les formes de l’art et leur indiquent la loi de cet enchevêtrement.

« J’ai écrit cette lettre voilà quelques jours et ne voulais pas vous l’envoyer, parce qu’elle respire la vanité de l’auteur flatté. Mais je viens d’écrire sept lettres, et il m’en faudrait écrire une autre, c’est pourquoi je me décide à vous envoyer celle-ci. On ne peut cacher l’alène dans le sac et vous voyez à travers moi. »

Dans une autre lettre, Tolstoï exprime de pareilles pensées très intéressantes en même temps qu’il plaint Tourgueniev, dont l’activité artistique, d’après les on-dit, faiblissait :

« Le succès du dernier chapire d’Anna Karénine, je l’avoue, me fait plaisir. Je ne m’y attendais pas, et vraiment je suis étonné qu’une chose aussi ordinaire, aussi mesquine, plaise. Ce qui m’étonne encore davantage c’est qu’ayant la preuve qu’une chose aussi faible plaît, je ne me mette pas à écrire n’importe quoi, au lieu de faire un certain choix. Je dis cela sincèrement, car c’est à vous que j’écris…

« Je n’ai pas lu Tourgueniev, mais je regrette sincèrement que cette source d’eau pure et merveilleuse, si j’en juge par tout ce que j’ai entendu, se souille d’une telle fange.

« Si tout simplement il se rappelait une journée