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LÉON TOLSTOÏ

La fin tragique du roman : le suicide d’Anna, fut inspirée par un événement vrai, que la comtesse Tolstoï, dans une lettre à sa sœur, datée du 10 janvier 1872, décrivait ainsi :

« Chez nous, à Iassenki, il est arrivé une histoire très dramatique. Tu te rappelles, chez Bibikov, Anna Stepanovna ? Eh bien ! cette Anna Stepanovna était jalouse de toutes les gouvernantes qu’avait Bibikov. Elle se montra si jalouse de la dernière qu’enfin Bibikov se fâcha et se querella avec elle ; sur quoi Anna Stepanovna le quitta et partit à Toula.

« Pendant trois jours, on ne sut où elle était. Enfin le troisième jour, elle parut à Iassenki, à cinq heures du soir, avec un petit paquet. À la gare, elle remit au cocher une lettre pour Bibikov, et lui donna un rouble de pourboire.

« Bibikov refusa la lettre, et quand le cocher retourna à la gare, il apprit qu’Anna Stepanovna s’était jetée sous le train et avait été écrasée. Elle l’avait certainement fait exprès. Le juge d’instruction est venu et on a lu sa lettre. Elle y disait : « Vous êtes mon meurtrier ; soyez heureux si les assassins peuvent l’être. Si vous le désirez, vous pourrez voir mon cadavre sur les rails, à Iassenki. »

« Léon et l’oncle Kostia sont allés voir l’autopsie. C’est arrivé la veille des Rois[1]. »

Dans Anna Karénine, à côté de l’intrigue d’Anna et de Vronski, qui agissent selon le texte biblique : « C’est à moi que la vengeance appartient », Tolstoï a placé l’idylle de Kitty et de Lévine, où

  1. Archives de T. A. Kouzminsky.