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VIE ET ŒUVRE

dixièmes des familles manqueront de pain. Que feront donc les paysans ? 1o ils mélangeront le grain à des substances non nourrissantes, souvent nuisibles, à des herbes, etc. (dans plusieurs endroits, m’a-t-on dit, on le fait déjà) ; 2o les personnes les plus robustes de la famille s’en iront travailler au loin pendant l’automne et l’hiver ; ce seront les vieillards, les enfants, les femmes épuisées par la grossesse ou l’allaitement qui souffriront, et, en grand nombre, périront, moins de faim que des maladies engendrées par des aliments malsains.

« L’année dernière, il y avait encore de la farine de froment dans quelques maisons. Les mères la conservaient pour les petits enfants. Cette année, il n’y en a plus et les enfants tombent malades et meurent. Que sera-ce donc quand le pain noir manquera, ce qui commence déjà ? On ne peut penser sans frémir aux maux qui menacent la plus grande partie de la population du gouvernement de Samara, si l’État ne lui vient pas en aide. Selon moi, l’on pourrait ouvrir des souscriptions de deux sortes : l’une pour les offrandes ; l’autre pour les prêts d’argent, destinés à l’achat des grains, sans intérêts, pour deux ans. La population atteinte du gouvernement de Samara pourrait garantir les sommes fournies par cette dernière souscription, et il est probable que le zemstvo de Samara se chargerait d’acheter le grain, d’en faire la distribution, et de percevoir l’argent dès la première année de bonne récolte[1]. »

Le directeur des Moskovskia Viedemosti, qui publia cet article, ouvrit aussitôt une souscription

  1. Moskovskia Viedomosti, 17 août 1878.