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VIE ET ŒUVRE

une langue tout à fait claire et simple. Tout ce qu’il y aura d’immoral paraîtra tellement hideux, tout ce qu’il y aura de sectaire paraîtra si faux, exprimé sans phrases embrouillées, toute cette science, soi-disant populaire, paraîtra si stupide étant exprimée dans une langue claire, que bien vite on effacera tout cela. Si une revue veut sérieusement s’adresser au peuple, elle ne doit que s’efforcer d’être compréhensible. Et il n’est pas difficile d’y parvenir.

« D’un côté il suffit de faire passer tous les articles par la censure des portiers, des cochers, des cuisinières. Si le lecteur n’est arrêté par aucun mot, l’article est bon ; s’il ne peut raconter ce qu’il a lu, l’article ne vaut rien.

« Je sympathise très sincèrement à une revue populaire, et j’espère que vous serez en partie d’accord avec moi ; c’est pourquoi je dis tout cela. Mais je sais aussi que quatre-vingt-dix-neuf sur cent verront dans mes paroles ou la bêtise ou le désir de paraître original. Pour moi, au contraire, dans le fait que ces dames veulent éditer une revue pour le peuple russe, tandis qu’elles ne parlent ni ne pensent en russe et ne se soucient pas de savoir si le peuple les comprend ou non, je vois la plaisanterie la plus drôle et la plus amusante.

« J’ai dit : il est très facile, d’un côté, d’être accessible, il faut seulement faire lire le manuscrit à quelqu’un du peuple. Mais, d’un autre côté, il est très difficile d’éditer une revue compréhensible. C’est difficile parce qu’il y a peu de matériaux. Tel article trouvé exquis dans le cercle de la rédaction, lu à la cuisine paraîtra insensé, et sur dix feuilles