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VIE ET ŒUVRE

fut prête à être présentée à l’Empereur l’arrêt de mort était déjà exécuté.

« Tous les autres détails que vous donnez, et les rapports chrétiens du peuple envers le condamné, tout est exact.

« Oui, en relisant cette plaidoirie stupide, honteuse, j’ai ressenti quelque chose de pénible. En parlant du crime le plus affreux, de la violation de toutes les lois divines et humaines que des hommes se préparaient à commettre contre leur frère, je n’ai trouvé rien de mieux que de citer des paroles stupides qu’on appelle la loi. Oui, j’ai honte maintenant en relisant ces lignes. Si un homme comprend ce que se préparent à faire ces hommes en uniforme, qui se sont assis des trois côtés d’une table, et qui, à cause de cela, et parce que sur divers livres et papiers à entête sont écrits certains mots, s’imaginent qu’ils peuvent violer la loi éternelle et universelle, inscrite non dans les livres mais dans le cœur des hommes, s’il le comprend, la seule chose qu’il puisse dire c’est de leur rappeler ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent faire, au lieu d’essayer de leur prouver, par divers arguments basés sur les paroles mensongères et stupides qu’on appelle les lois, qu’on ne peut pas tuer cet homme. Prouver que la vie d’un homme est sacrée, qu’il ne peut exister le droit des uns à priver de la vie un autre, c’est inutile, car tous les hommes le savent. On ne peut, et il le faut, on le doit, on ne peut faire qu’une seule chose : tâcher de délivrer les hommes, les juges, de l’étourdissement qui a pu les amener à un verdict aussi sauvage et inhumain. Prouver qu’on ne peut tuer c’est la même chose que de prouver à un homme