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VIE ET ŒUVRE

Unocha était le président de la cour martiale, deux autres officiers du régiment furent désignés comme juges. Le procureur était venu de Moscou.

Peu de gens connaissaient la date de la séance et la participation du comte Tolstoï dans cette affaire, mais tous ceux qui étaient renseignés se rendirent à la séance. On vint même de Toula.

Le président déclara la séance ouverte. On lut l’acte d’accusation, dans lequel il était dit que l’accusé, qui en voulait à son chef de compagnie, depuis longtemps méditait le forfait dont il s’était rendu coupable le 6 juin, ayant bu exprès une bouteille et demie d’eau-de-vie.

L’interrogatoire dura peu. Ensuite le procureur prononça quelques mots très brefs, rappelant les divers articles de la loi ; puis ce fut le tour de la défense. Tolstoï se leva et prit la parole en ces termes :

« Le soldat Vassili Chibounine, accusé d’avoir souffleté, intentionnellement et consciemment, son chef de compagnie, m’a choisi pour défenseur. J’ai accepté cette tâche, bien que le crime dont Chibounine est accusé soit de ceux qui, brisant toute la discipline militaire, ne sauraient être examinés au point de vue du rapport entre le crime et le châtiment, et doivent toujours être punis. J’ai assumé cette tâche, bien que l’accusé lui-même ait signé l’aveu de son crime, que, par conséquent, on ne peut nier, et bien que l’art. 604 du Code militaire ne reconnaisse pour ce crime qu’une seule peine : la mort. Il semblerait donc que le sort de Chibounine ne pût être allégé. Cependant j’ai accepté de le dé-